Déterminisme génétique
Le déterminisme génétique voudrait que tous les données de fonctionnement du psychisme soient déterminées par les gènes. Le déterminisme culturel postule au contraire que les caractères et comportements sont déterminés par la culture.
Ces deux thèses extrêmes détiennent chacune une part de vérité. Certaines composantes fondamentales du comportement se retrouvent dans toutes les cultures : la peur, l’agressivité, la confiance, la méfiance, l’imitation, l’opposition, les bases du langage etc. sont manifestement des caractéristiques universelles de l’être humain et donc très probablement déterminées génétiquement, indépendamment des influences de la culture. D’autres composantes sont éminemment variables et reflètent très fidèlement les données de l’éducation et des contraintes sociales. Seules certaines prédispositions sont alors susceptibles d’être déterminées génétiquement.
Les structures du cerveau sont quasiment identiques d’un individu à l’autre jusque dans les détails microscopiques des circonvolutions, des couches du cortex et des différentes aires avec leurs connexions de base déjà présentes à la naissance. C’est chez chaque individu le cortex frontal qui gère les fonctions exécutives, l’amygdale qui contrôle les émotions, l’hippocampe qui stocke la mémoire, les aires de Broca qui sont responsables de l’articulation, etc. Il s’agit donc de structures héréditaires invariantes, que l’on peut attribuer aux caractéristiques de génome humain.
En revanche, les connexions inter-neuronales qui s’effectuent principalement pendant la croissance sont tributaires de l’apprentissage : comme l’enseigne la neuropsychologie, celles qui sont stimulées se développent et se multiplient, alors que d’autres, restant inutilisées, sont abandonnées. Ainsi, l’environnement culturel sculpte en quelque sorte dans le cerveau brut tel qu’il est déterminé génétiquement, un cerveau déterminé culturellement.
On a là une confirmation vérifiable physiologiquement, et même anatomiquement au niveau des connexions inter-neuronales, de la coexistence des deux déterminismes. L’écogénétique humaine ajoute à ces considérations le fait que certains conditionnements culturels, donc certaines structurations non naturelles du cerveau, peuvent promouvoir ou inhiber certains comportements liés à la satisfaction des besoins fondamentaux. L’individu se retrouve ainsi dans une situation contradictoire : ses besoins fondamentaux, liés au génome, persistent, mais la structuration acquise de son cerveau ne lui permettent pas de les satisfaire conformément aux exigences de la nature.
Exemples : le manque d’apprentissage du langage pendant la croissance induit une incapacité de communication, voire d’analyse, qui pénalisera l’individu pendant toutes son existence. L’usage d’alcool peut générer des connexions interneuronales qui commanderont les comportement addictifs de manière très irréversible. Les musiciens développent des liaisons supplémentaires entre les deux hémisphères (coordination des réflexes des mains du pianiste ou autre instrumentiste), que l’on reconnaît à un épaississement du corps calleux (masse blanche à la base du cerveau, constituée par des fibres nerveuses).
On comprend ainsi que des anomalies fonctionnelles peuvent s’installer très définitivement dans tous les types de comportement sujets à un apprentissage inapproprié : relationnel, alimentaire, sexuel, rapports à l’environnement etc. Les tendances comportementales peuvent avoir des conséquences graves sur la santé, la sociabilité, l’équilibre psychosexuel, la préservation de l’environnement etc. En d’autres termes : la structuration psychique induite par l’éducation et les contraintes sociales sont très irréversibles du fait de leur support neurologique.
Il y a donc lieu de définir d’une part ce que serait une structuration psychique conforme aux besoins fondamentaux, qui peut certes prendre différentes formes mais doivent rester comprises dans les limites d’adaptabilité de l’espèce. Et d’autre part de dépister dans notre culture les facteurs qui induisent une structuration psychique inadaptée aux besoins fondamentaux de l’être humain, ou des autres acteurs de la biocénose.
Dans le premier cas, nous parlerons de cultures pro-génétiques ; dans le second, de cultures anti-génétiques (à ne pas confondre avec la notion d’antigène au sens immunologique). Cette distinction est particulièrement lourde de sens si l’on sait qu’il s’agit non seulement d’habitudes comportementales, mais de structures cérébrales différentes induites dans un cas ou dans l’autre. Ceci explique la difficulté gigantesque que représente un changement de comportement de masse, et le temps (plusieurs générations) qu’exige un tel processus.
La question est de savoir dans quelle mesure le caractère pro-génétique ou anti-génétiques d’une culture, ou de certaines de ses composantes, est lié aux désordres environnementaux ; puis de déterminer les causes premières de l’évolution de la culture vers ces structures anti-génétiques afin de définir les moyens d’y remédier.