Dont aucun auteur ne semble actuellement s’être préoccupé

On peut effectivement s’étonner de l’explication très monolithique que la plupart des démographes apportent à la croissance démographique, l’attribuant principalement aux effets du progrès médical et industriel. Le fait qu’elle prenne son essor à partir de 1700, période antérieure de plus d’un siècle à l’émergence de ces deux facteurs, aurait pourtant dû intriguer les spécialistes. Il apparaît clairement que d’autres facteurs sont en jeu.

Le progrès industriel ne peut modifier le niveau de vie qu’une fois qu’il a pénétré dans le gros de la population. Or, les changements du niveau de vie moyen ont été minimes au début du XVIIIe. C’est au cours du XIXe que les manufactures se multiplient. La manufacture de chapeaux Mégemont frères, par exemple, ne comptait qu’une trentaine d’ouvriers encore en 1860. Puis grâce au développement rapide des chemins de fer, elle pouvait songer à s’agrandir, et employait 300 chapeliers en 1892. http://www.mbao.fr/bortlesorgues/bortlesorgues-histoire-chapellerie.htm

De nombreuses autres activités sont dans le même cas. Ce n’est en fait qu’au XXe siècle que les différentes couches de la population accèdent aux avantages du progrès, et plus encore avec la période d’abondance qui suivit la seconde guerre mondiale. Le confort, le chauffage, l’élecroménager, l’éclairage à gogo, les apports de l’obstétrique et des soins aux nourrissons se généralisent au cours des Trente Glorieuses. On assiste là effectivement à un redressement spectaculaire de la courbe de croissance.

À cela s’ajoutent certainement des facteurs psychologiques. Les pertes humaines sur les champs de bataille, et plus tard dans les camps de concentration, ont pu stimuler les parents à rendre sa population à la patrie. L’accélération démpographique s’articule en effet déjà en 1942, date à laquelle on fait remonter le baby-boum. La pénicilline, mise sur le marché la même année, a certainement joué un rôle important dans cette accélération, tout comme les progrès médicaux réalisés dans les maladies cardiovasculaires et le cancer. L’espérance n’a cessé de croître, jusqu’à une période très récente.

Mais que s’est-il passé au XVIIIème siècle ? Aucun de ces facteurs n’avait encore émergé, et pourtant, les démographes mettent le phénomène dans le même paquet. Ils semblent commettre l’erreur que redoutent tous les historiens : projeter sur le passé le système de valeurs du présent. La société nage aujourd’hui dans l’opulence, chacun est attaché aux différentes formes de progrès qui ont changé le quotidien, ou qui fascinent les esprits en recherche de toujours plus de bonheur. Du coup, le progrès sert à expliquer des phénomènes qui datent d’une période où il n’avait pas encore cours…