Notion avérée d’adaptation limitée
Les systèmes biologiques sont capables de changements « automorphes » et « exomorphes », c’est-à-dire opérant soit sur leur propres caractères biologiques, soit sur leur environnement, dans une tentative d’adaptation à des conditions nouvelles. L’ampleur et la teneur des changements qui leur sont possibles restent néanmoins précisément circonscrits.
Exemple : une espèce peut s’adapter à un réchauffement de l’atmosphère de quelques degrés. Les individus recourront à diverses stratégie, comme la sudation. À plus long terme, l’espèce pourra s’adapter en modifiant ses caractéristiques génétiques : les éléphants ont développé la surface de leurs oreilles pour mieux réfrigérer leur sang au contact de l’air. Les stratégies possibles restent pourtant limitées, aucune des espèces existantes ne pourrait survivre à des températures détruisant les liaisons carbone-hydrogène. La plupart succomberait même à un réchauffement climatiques de quelques dizaines de degrés. Il en va de même dans tous les domaines des relations entre être vivant et environnement : alimentation, oxygénation, pollution, prédation, etc. La vie ne tient qu’à un fil, et ce fil est en train de s’effilocher…
Il faut donc être conscient que tous les comportements humains, passés ou présents, ont des conséquences préjudiciables à l’environnement ou à la santé humaine dès qu’ils dépassent les limites d’adaptabilité des différents organismes concernés. Cette règle, d’apparence anodine, a aujourd’hui pour enjeu la survie de la planète et de notre propre espèce.
Son corollaire est qu’il faut nous demander, à propos de chaque artifice humain risquant de dépasser ces limites, quelle est sa raison d’être, notamment si les dispositions psychiques qui nous le font ressentir comme indispensable ressortent d’un besoin réel, ou d’un dysfonctionnement psychique dont il nous reste à comprendre les causes.
Le gluten et le comportement
Exemple : les modifications de l’alimentation introduites au néolithique ont nécessité la culture systématique des céréales. Les contraintes exercées sur l’environnement se sont poursuivies jusqu’à ce jour pour atteindre un niveau qui met l’équilibre planétaire en danger. La question se pose de savoir si l’alimentation céréalière est adaptée ou non tant à la génétique humaine (ce qui présuppose des effets pathogènes, par exemple les allergies au gluten) qu’aux données génétiques de la biocénose (ce qui explique la nécessité d’engrais et de pesticides avec leurs sévices environnementaux comme la dégradation de la biodiversité et de l’humus). Il faut de plus se demander dans quelle mesure la consommation régulière de gluten, dont certains effets sur l’état psychique sont aujourd’hui connus, n’a pas induit des modifications de comportement, dont une dépendance à la consommation du blé, ou d’autres comportements directement nuisibles pour l’environnement.
Le même type de question se pose à propos de tous les artéfacts qui constituent notre civilisation : consommation de viande, de produits laitiers, industrie chimique, utilisation de pesticides, industrie pharmaceutique, modes de transport, modes de chauffage, industrie nucléaire, énergies renouvelables, consumérisme en général, de même au niveau de la culture : schémas de comportement, lois, morale, philosophie de vie, religion…
On découvre derrière ces questions, sous l’égide de l’adaptabilité limitée des différentes espèces, toutes sortes d’interactions et de cercles vicieux. Une connaissance plus approfondie de ces mécanismes permettra de traiter le problème écologique sur une base beaucoup plus fondamentale.