sociologiques

On sait depuis le milieu du siècle passé que les caractéristiques générales des organismes vivants sont inscrites sous forme d’informations codées sur des gènes. Au nombre d’environ trente mille chez l’être humain, les gènes sont des chaînes moléculaires présentes dans les noyaux des cellules et transmises héréditairement de génération en génération.

Cette découverte majeure, aujourd’hui largement confirmée, a donné à penser que les caractéristiques des organismes étaient complètement prédéterminées. L’épigénétique nous enseigne aujourd’hui qu’il faut relativiser cette vision des choses, car les cellules disposent de mécanismes régulant l’expression des gènes. Les théories encore plus récentes sur les systèmes auto-organisés laissent penser que d’autres émergences organisatrices pourraient également être en jeu.

En fait, on estime à seulement 2% de l’ADN les gènes directement impliqués dans la synthèse des protéines. Tous les autres, que l’on appelait l’ADN-poubelle, sont loin d’être inertes comme on l’imaginait. Ces séquences oubliées semblent intervenir dans la régulation de l’expression des gènes principaux, contrôlant ainsi la synthèse des protéines, les régulations métaboliques, les différenciations cellulaires (spécialisation des cellules), l’apoptose (mort cellulaire programmée), le fonctionnement du système immunitaire, l’évolution de certaines maladies dont le cancer, voire la destruction du matériel génétique étranger qui pénétrerait dans l’organisme. Elles assumeraient même des fonctions immunitaires chez les végétaux (dépourvus de lymphocytes). Certains travaux récents semblent montrer que certaines séquences de cet ADN-poubelle seraient apportées par les aliments végétaux, et probablement aussi par les produits animaux.

Il faudrait donc se représenter le génome comme un ensemble d’informations perpétuellement en mouvement entre les différentes espèces vivantes. Voilà qui expliquerait le vieux dicton : dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es… Il y a là une découverte particulièrement lourde de conséquences : notre alimentation pourrait avoir une influence beaucoup plus profonde qu’on ne l’imagine, si notre génome s’en trouve affecté. À examiner de plus près.

Une chose est sûre : la génétique simpliste du siècle passé, avec son déterminisme simpliste, a définitivement vécu. Les organismes devraient être capables de s’adapter beaucoup mieux qu’on ne le pensait à des modifications de l’environnement ou à des contraintes nouvelles. Mais attention : on ne peut pas en déduire que les organismes seraient capables de s’adapter, à court comme à long terme, à n’importe quelles situations nouvelles. La grande question des limites de l’adaptabilité subsiste, car tout système, aussi complexe et perfectionné soit-il, est limité dans ses capacités d’adaptation à des sollicitations imprévues.

Le principe de base de l’écogénétique humaine s’applique de ce fait à toutes les interventions humaines. La question peut se formuler comme suit : nos données génétiques (et celles des êtres vivants qui constituent notre environnement) sont-elles adaptées aux différentes productions de notre intelligence ?

Nous devons nous demander, face à chaque artéfact constituant notre culture et notre mode de vie, s’il correspond à nos potentialités génétiques et à celles des autres acteurs de la biocénose. Si ce n’est pas le cas pour un artéfact donné, il faut alors remettre cet artéfact en question, nous interroger sur son origine, sa raison d’être, sa nécessité, ainsi que sur les moyens de nous en passer ou de lui substituer un artéfact compatible avec les données des différentes espèces de l’écosystème.

Pour plus de précisions sur la génétique, voir par exemple l’article de Wikipédia : « Génétique »